8 mars 2011

Journée internationale des droits des femmes

« La femme est l’avenir de l’Homme : tous différents, tous responsables »

Université de Lausanne, Amphimax 351, 8 mars 2011

affiches 8 mars

Conférence pluridisciplinaire organisée par Solange Ghernaouti-Hélie, présidente de la Commission Egalité des Chances de l’Université de Lausanne à l’occasion de la journée internationale des femmes, du centenaire HEC et des 10 ans du Bureau de l’Egalité.

Dans une perspective de management responsable, cette manifestation se propose de revisiter le passé pour comprendre le présent et contribuer à inventer l’avenir en considérant l’Egalité des chances comme un droit, pour que l’égalité des droits deviennent une réalité et non une utopie ressassée.

Parce que travailler et avoir une vie de famille n’est pas incompatible, un prix d’encouragement offert conjointement par le bureau de l’Egalité et la faculté des HEC, intitulé « Etudiante et mère de famille » sera remis à l’issue de la conférence, qui se clôturera par un apéritif.

Véritable débat d’idées sur les valeurs culturelle, sociale, politique et économique autour de la question de la place de la femme dans la société, les conférenciers issus de champs disciplinaires différents vont permettre de :

  • Croiser les regards, sur les différences et l’égalité entre Hommes et Femmes

  • Questionner, interpeller et rendre visible le rôle de la femme et la manière dont elle est perçue dans le développement de la société mais aussi les écueils, les difficultés rencontrées

  • Mettre en évidence la valeur ajoutée à savoir associer la complémentarité des genres pour un développement durable et responsable de notre société

Monsieur le Recteur de l’Université de Lausanne Dominique Arlettaz participera à la table ronde animée par M. Alain Jeannet, Rédacteur en chef de l’Hebdo.

Partenaires de la manifestation
Payot Lausanne
Price Waterhouse Coopers

Un don à la Fondation Erna Hamburger a été offert par la Société PWC lors de cet évènement

Programme de la manifestation

14h – Ouverture de la conférence
     Prof. Philippe Moreillon, Vice-recteur de l’Université de Lausanne
     Stefanie Brander, Déléguée à L’Egalité (Bureau de l’Egalité)

« Différences et Egalité des chances: au-delà de l’utopie et du politiquement correct, une nécessité humaine et économique »
     Solange Ghernaouti-Hélie, Professeure, Présidente de la Commission Egalité des Chances et de la Commission Sociale de l’Unil.

« Dire l’invisible : quand la porte se referme »
     Simona R. Montserrat, Journaliste et étudiante à la Faculté de Droit et de Sciences Criminelles de l’Unil

« Écrire le féminin »
     Dominique Barbéris, Enseignante au département de Langue française de l’Université de Paris-Sorbonne, Auteure de plusieurs récits et romans parus chez Gallimard, notamment: Les Kangourous, Quelque chose à cacher (Prix des Deux magots 2008) et Beau Rivage (septembre 2010).

16h00 – Pause café

16h30 – « 45 ans de grand reportage au féminin »
     Laurence Déonna, Grand reporter, photographe, récompensée par le prix UNESCO de l’éducation à la paix. Ancienne présidente de la section suisse de Reporter Sans Frontières et auteure de nombreux livres, dont notamment « Mon enfant vaut plus que leur pétrole », « La guerre à deux voix »,  « Les femmes suissesses à l’étranger ».

 Remise du prix d’encouragementEtudiante et mère de famille” offert conjointement par le bureau de l’Egalité et HEC Lausanne.

Remise d’un don à la Fondation Erna Hamburger qui contribue à apporter une aide matérielle, à des femmes universitaires faisant des études postgrades dans le Canton de Vaud.
Prix offert par la société PwC et remis par M. Juergen Muller (Associé).

17h30 Table ronde « l’Egalité en marche et en actes » animée par Alain Jeannet, rédacteur en chef de l’Hebdo

Avec la participation  de Mesdames et Messieurs (par ordre alphabétique)
Dominique Arlettaz, Recteur de l’Université de Lausanne
Laurence Déonna, Journaliste
JoAnne Freeman, fondatrice de la société SWIM upstream,
Solange Ghernaouti-Hélie, Professeure HEC – Unil
Juergen Muller, Associé, PWC
Graziella Zanoletti fondatrice de l’entreprise Elite Rent a Car et de la société à but non lucratif Friends of Humanity.

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Liens additionnels et informations supplémentaires

Voici des liens en parfaite adéquation avec le sujet de la conférence du 8 Mars 2011; « La Femme est l’avenir de l’Homme: tous différents, tous responsables »

  • La plateforme d’information humanrights.ch dresse un historique des droits de la femme à l’échelle de l’ONU et de la Suisse.
  • Le site Admin.ch nous informe que la loi sur les inégalités date de 1995.
  • Statistiques suisses sur
    • les violences domestiques
    • les victimes d’homicides dans le couple
    • les personnes suspectées dans le couple
    • fréquences dans la population résidente

« Egalité des chances: au-delà de l’utopie et du politiquement correct,
une nécessité humaine et économique »

Discours prononcé par Solange Ghernaouti lors de la conférence

Force est de constater que la condition féminine n’évolue pas au même rythme que celui de la société, que le  droit évolue plus vite que les mentalités, les habitudes ou les comportements.

Conscientes de leur présence au monde, certaines femmes, comme Benoite Groult pour n’en citer qu’une, démontrent par leurs engagements, par leur vie et leurs activités, leur goût du bonheur, leur amour de la vie, qu’elles refusent d’être des citoyennes de deuxième catégorie et d’être rendues coupables de tout, même de vieillir.
Remarquons que résister aux dictats de la jeunesse éternelle est une forme de nécessité, même pour les hommes.
Des femmes réfutent d’être fille d’Eve enfermées dans le ghetto de la pècheresse. Elles contestent l’image de la femme toujours jeune et belle les contraignant aux rôles de sex toy, de sex symbol (ou de ex-sex symbol). Elles refusent tout autant, d’être cantonnées aux rôles de ménagère, de mère de famille ou de consommatrice.

Nul ne conteste que la femme est l’égale de l’homme. Effectivement, elle l’est, mais elle l’est dans la différence.
Lorsque l’on parle de différence c’est souvent une manière politiquement correcte de parler d’infériorité. Cette « personne est différente » équivaut souvent au fait qu’elle est particulière au sens négatif et dévalorisant. Il semble que cette différence tente à cantonner la femme dans des tâches de maternage des bébés, des malades, des vieillards, de la maison, etc., une espèce de service social pas cher.

Les corvées ménagères retombent encore et dans certaines situations de manière exclusive, sur les femmes même si ces dernières années il ait eu une véritable évolution dans le partage des tâches domestiques, mais le chiffres en témoignes toujours : ce sont les femmes qui assument une plus grande part de travail invisible et souvent mal
reconnu.
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Le journal Le Monde, dans son édition du 19 août 2010, publiait qu’« Etre une femme est un handicap pour les salaires. Même quand elles n’interrompent pas leur carrière, les femmes gagnent 17% de moins que les hommes ; les hommes assument seulement 20 % du noyau dur des tâches domestiques ; la naissance d’un enfant fragilise la carrière des femmes ; les femmes ont en moyenne un niveau d’éducation plus élevé que les hommes et forment pourtant les gros bataillons du temps partiel et de la précarité … ».

Ces données reflètent une véritable construction sociale des différences, une répartition inégale des rôles, la difficile émancipation des femmes et encore un certain refus de la liberté et de l’égalité entre tous les individus, 
 indépendamment de leur sexe. Il semble aussi que la réalité des femmes qui travaillent relèvent toujours de la course d’obstacles et que le modèle qui prévaut encore chez beaucoup, est que le destin domestique de l’épouse est donné à voir comme l’essence naturelle de la femme.

Dans les conditions actuelles de travail que les femmes cumulent la plus part du temps avec les taches domestiques, il ne leur apporte pas les mêmes gratifications qu’aux hommes. En outre, elles peuvent être amenées à développer un sentiment de culpabilité au regard du carcan des traditions.

Aujourd’hui dans le monde du travail, ce sentiment peut être parfois dépassé lorsque la femme ne s’affirme pas en tant que telle, mais se confond dans l’ordre normalisateur, qui ne manque pas de récompenser celle qui s’y plie. Ces femmes ne peuvent alors être considérées comme des modèles pour les autres, elles sont parfois otages, le plus souvent alibis, et contribuent à entretenir la conformité au modèle dominant existant.

Comment expliquer que la majorité des femmes adhère implicitement à cette différentiation inégalitaire résultant d’un rapport de force construit par la société, sinon que par le fait que lorsque deux castes s’opposent, nous rappelle Simone de Beauvoir, il se trouve toujours dans la plus défavorisée, des individus qui par intérêt personnel s’allient avec les privilégiés. De plus, c’est connu la femme parfois se valorise à ses yeux et à ceux de l’homme en adoptant le point de vue de l’homme.

Je m’étonne donc toujours avec Simone de Beauvoir que l’exploitation de la femme
soit si facilement acceptée. Où est donc l’idéal égalitaire ? Le jour est venu de se demander comment les démocraties modernes maintiennent une inégalité entre les
sexes ?

Posées en 1972 dans son ouvrage Tout compte fait, ces interrogations, toujours tristement d’actualité, avaient le courage et le mérite de s’opposer à ce que Henri de Monterland prêtait, cette même année, à un de ses personnages dans ses Jeunes filles « …elle a le tort d’être intelligente ; ça la rend laide » et cela 23 ans après la publication du Deuxième sexe ! Cette Misogynie de salon à l’humour déplacé, tant bien même spirituelle ou auto-dérisoire est regrettable. Rieuses et rieurs participent alors à la misogynie et l’entretiennent.
Celle-ci persiste au 21ème siècle comme une façon d’être, malgré le droit à l’égalité.

Le modèle idéal d’humanité demeure encore masculin.

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L’affranchissement des femmes est-il donc une utopie ?

Tout un chacun a acquis des habitudes de pensée, un système de référence et de valeurs dont il est devenu prisonnier. Appliqué à la situation des femmes, il faut regarder en face la réalité et en parler sans fard : elle n’est pas drôle.

Réduire toute la complexité des êtres humains à leur sexe est insultant, notamment pour les femmes, mais aussi pour les hommes. De plus, cela détermine et limite le nombre de rôles possibles des êtres humains, et conditionne leur place dans la société. Une prise de conscience est nécessaire et n’est jamais facile à réaliser, pour se délivrer de jugements dévalorisants ou pour imaginer pouvoir échapper à une classification de l’espèce
humaine en sexe fort et sexe faible. La guerre d’indépendance des femmes, qui passe par le décloisonnement des sexes, n’est pas encore gagnée, même en Europe, ni ailleurs.

Il semblerait que les droits humains puissent varier selon le sexe, la race ou la religion et que le droit à la différence mène généralement à la différence des droits.

La liberté ne se prend pas, elle s’apprend au jour le jour et commence par une prise de parole, une prise d’écriture, pour contribuer à parvenir à bousculer la répartition traditionnelle en premier et deuxième sexe.
Préjugés, routines, faux semblants, pour y échapper il faut pouvoir les nommer, les nommer pour les dénoncer, car il est difficile de combattre une violence invisible.

Fumer tue, nous rappelle chaque paquet de cigarettes, mais le silence, l’indifférence ou l’ignorance peuvent également tuer …

D’après Régis Debray « le silence est la forme la plus civilisée du génocide », il faut alors remercier tous ceux et celles qui permettent de débattre de ces questions de société, de cette forme particulière de racisme et de discrimination infligée à plus de la moitié de la planète par l’autre moitié et démystifier le féminisme. Car le féminisme est en fin de compte « une forme d’humanisme qui délivrerait enfin l’autre moitié de l’humanité de
son esclavage millénaire ». Le racisme parfois scandalise, le sexisme rarement, il est souvent considéré comme naturel incurable et inévitable. Or chacun à droit au destin dont il se sent porteur et pas seulement à celui dont son sexe lui impose.

Aujourd’hui qualifier quelqu’un de féministe est insultant. Cela reste un préjugé dévalorisant qui s’inscrit dans la continuité de l‘énergie dépensée pour convaincre la femme que son destin singulier qui lui est imposé est celui de tenir sa maison et de faire des enfants et aussi de la convaincre de sa vocation spécifique. Ainsi les hommes
possèdent le monde, comme le souligne Gide dans Les nourritures terrestres, on pourrait avoir envie de rajouter, les femmes le nettoient

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Bien que les mères soient des femmes, il ne faut pas oublier que certains de nos jours, considèrent encore les femmes comme étant un champ génital, dans quelques pays africains l’image de la marmite à enfants est évoquée. Il ne s’agit pas de polémiquer autour de la question de l’existence d’une nature féminine mais, force est de constater, que le carcan des traditions est bien lourd… car la nature féminine est un mythe inventé par les hommes pour enfermer les femmes dans des activités essentiellement définies par des hommes, les astreignant souvent à la soumission. Mais convenons aussi que l’émancipation peut faire peur.

Il ne s’agit pas non plus d’affirmer les femmes comme femmes mais surtout
d’affirmer les femmes comme étant des êtres humains à part entière. Devenir des
être humains à part entière, cela concerne l’humanité tout entière !

Il ne s’agit pas non plus de revendications purement féminines, ce sont des revendications sans doute portées plus par les femmes que par les hommes mais ce sont des revendications qui nous concerne tous, dans notre capacité à mettre en œuvre et faire respecter les principes fondamentaux de la solidarité entre tous les êtres humains.

La culture, la science, les arts, les techniques, l’ingénierie , … les lois , les politiques de développement, etc. ont été majoritairement et de manière relativement exclusive, en tous les cas jusqu’à un passé récent, définit par des hommes, puisqu’ils représentaient l’universalité, l’université ; profitons en pour rappeler qu’encore actuellement à l’Unil le taux de femmes professeures est seulement de 18 %.

Il y a plus de deux mille ans que les hommes, dont les philosophes, approfondissent leur réflexion sur le monde où ils occupent toutes les places dans l’ordre de la pensée et du pouvoir. Il y a si peu de temps que les femmes ont accédé au droit de réfléchir, au droit de lire, d’écrire, de devenir artiste ou scientifique, et il n’y a pas si longtemps au droit de vote. Ce n’est que très récemment que la littérature y compris enfantine propose des modèles d’héros qui ne soient pas exclusivement masculin.

La différenciation des êtres humains en deux catégories distinctes « Hommes » « Femmes » ne doit pas être entretenue car ce cloisonnement contribue à considérer les femmes comme des citoyens de deuxième catégorie.
N’a t-on pas entendu après la votation sur l’initiative sur les armes du 13 février 2011 que le peuple avait opté pour la tradition du citoyen-soldat ? La citoyenneté au féminin n’a même pas été évoquée, dommage ! N’est-il 
pas légitime que cela soit les deux parents qui possèdent de manière équitable et partagée la responsabilité parentale et les taches qui en découlent ?

Il faut mettre fin à l’esclavage de la femme au travers des enfants et aussi aux abus éventuels d’autorité auxquels ceux-ci peuvent être confrontés du fait de ce modèle. Toutefois, la condition d’esclave peut être le seul horizon pour certaines femmes. Mais que peut justement faire un esclave qui se croit congénitalement fait pour être
esclave ?

Il y a un manque évident de repère, de mère fondatrice. En revanche le Père éternel, les paterfamilias des romains, le Père fouettard, le Père Noel, le Saint père par exemple comme les héros réels ou fictifs existent à profusion. En effet, jusqu’à récemment, pour les filles la littérature n’a pas fourni beaucoup d’héroïnes dans lesquelles elles auraient pu puiser leur vocation, leur inspiration ou leur assurance dans la vie.

La majorité des modèles de femmes qui étaient donné à voir étaient ceux portés par exemple par des Jeanne d’Arc, Antigone, Iphigénie. Ce sont des modèles de femmes destinées à une fin précoce et tragique, modèle de vaincues et de victimes sacrifiées. Certes cela permet constituer de belles pièces de théâtre ou de jolis thèmes d’opéras, aussi magnifiques que puisse être leur interprétation, ce sont autant de modèles dissuasifs de femmes, vouées à des morts sinistres. Tosca ou madame Buterfly et tant d’autres, nous font pleurer, pas vraiment rêver, à moins de considérer le sacrifice de sa vie, pour ou à cause d’un être aimé comme un but ultime… D’autres
modèles existent mais sont rarement évoqués, je pense notamment à des figures révolutionnaires de femmes combattantes, comme Louise Michèle ou Rosa Luxembourg.

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L’inégalité s’apprend dès l’enfance, absorbée à dose quotidienne elle est facilement
assimilée, comme sont acceptées les règles du jeu qui permettent de devenir de bonnes perdantes, peut être parfois pour certaines, avec un arrière gout d’humiliation

Je reprends ici les propos de Benoite Groulte dans son magnifique ouvrage Mon évasion : « Les dés sont pipés, les mailles du filet que sont les lois, les interdits, les traditions religieuses les injonctions morales sont fortes. Il est difficile d’envisager de passer au travers des mailles du filet tant que les femmes sont persuadées que cela serait douloureux, voir dangereux de s’en dégager. Le seul avantage de l’inconscience et de la docilité, c’est qu’elles permettent de vivre à peu près n’importe quoi sans trop de dégâts ».

Le discours courant est démobilisateur et pour que l’entreprise de destruction massive fonctionne il a fallu compter avec la complicité des historiens, la preuve en est que la présence des femmes dans l’histoire a systématiquement été occultée, à part quelques figurantes identifiées par des appellations marginalisantes comme « les précieuses ridicules » ou « les femmes savantes » ; véritable repoussoir, qui jette en même temps le
discrédit sur l’ambition créatrice des femmes. Le qualificatif de savant ne sert qu’à ridiculiser les femmes alors que le même adjectif chez un homme est honorable. Entre « Savante » et « ridicule » : c’est la dérision qui l’emporte !

Diderot écrivait « passé la jeunesse, à la ménopause, qu’est-ce qu’une femme ? Négligée de son époux, délaissée de ses enfants, nulle dans la société, la dévotion est son unique et dernière ressource. » Pour que la dévotion ne soit plus la seule planche de salut de la femme, celle-ci se doit de ne pas « être nulle », ni invisible dans la société, ce qui revient à dire que son rôle doit être reconnu et valorisé, dans la logique économique actuelle, c’est
à dire celle du marché, non pas de la Migros, mais du marché du travail.

N’oublions pas que Le code civil de Napoléon au tout début du 19ème siècle établit « la perpétuelle et obligatoire résignation des femmes » en faisant d’elles des incapables et des mineures leur vie durant. La promesse « d’obéissance à son mari » ne figure plus dans le rituel du mariage civil français depuis 1988 seulement ! 

Après femme savante, est apparu au 19ème siècle l’expression venue d’Angleterre les « bas-bleu » pour désigner une femme qui a des prétentions littéraires, il n’y a pas d’expressions équivalentes pour qualifier un homme même s’il en existe qui prétendent faire de la littérature. Quand une femme écrit c’est par prétention et non pour faire de la littérature, ce que bien sûr dénonce les écrivaines ici présentes et les ouvrages sélectionnés par notre partenaire Payot en particulier.

Le langage n’est pas un simple outil pour communiquer c’est le reflet de nos préjugés, le miroir de nos rapports de force, de nos désirs inconscients. Rendre invisible dans le vocabulaire l’accession des femmes à de nouvelles fonctions, c’est une façon de les nier. Les lacunes du vocabulaire ne concernent généralement pas les hommes.
Le dynamisme du langage fera considérer bientôt ridicules les précieuses qui continueront à se dire Mme le ministre, madame le doyen ou madame le professeur…

Le blocage ne se situe pas au niveau du vocabulaire mais à celui des mentalités et
l’intelligence n’a jamais préservé de la misogynie !

A « La résignation perpétuelle » inscrite par Napoléon, un peut plus tard, Freud la répercute dans la vie sociale et psychique « l’envie de réussir chez une femme est une névrose, le résultat d’un complexe de castration dont elle ne guérira que par une totale acceptation de son destin passif »

Heureusement, il y a toujours eu des hommes philosophes, scientifiques, politiciens, managers pour affirmer l’égale dignité des deux sexes, ils existent, ils sont de plus en plus nombreux, et c’est tant mieux.
Ainsi par exemple, sous la Révolution française, Condorcet fut l’un d’eux, il passa au mieux pour un doux hurluberlu, au pire pour un dangereux utopiste, … jamais cité pour sa défense des droits des femmes, est-ce un détail sans importance ? Non juste une non-pensée: Esprit des lumières où es-tu ?

Les droits des femmes rencontrent encore bien des obstacles, et sur bien des points de vue, ils ne font pas vraiment encore partie des droits de l’homme et il est toujours, tout autant difficile aujourd’hui d’avancer alors que l’égalité est reconnue officiellement.

Par ailleurs, les femmes sont très mal placées pour mener un combat efficace, en effet, quand l’oppresseur est en même temps leur père, leur amant, le père de leurs enfants ou encore souvent le principal pourvoyeur de fond.

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Heureusement en 2011, les hommes convaincus de l’importance de ce besoin d’égalité entre les hommes et les femmes sont de plus en plus nombreux, à partager également le travail domestique, à s’impliquer dans l’éducation des enfants. Ils sont de plus en plus nombreux par des actions quotidiennes parfois invisibles dans leur vie familiale et professionnelle à préserver, voir à développer les principes d’égalité.

Chaque 8 mars, journée internationale des droits de la femme, questionne sur la pérennité des dominations parfois symboliques et inconscientes, sur celles des stéréotypes, de l’exploitation économique des femmes pour contribuer à comprendre
comment se construisent ces inégalités, plus ou moins revendiquées ou intériorisées.

Au delà d’une émancipation superficielle, il s’agit encore aujourd’hui de participer à une « décolonisation » de l’intérieur pour inventer un avenir plus équitable pour tous et toutes, en considérant l’égalité des chances comme un droit, pour que l’égalité des droits devienne une réalité.

D’après le philosophe René Berger « Les survivants du futur sont ceux qui prolongent leur capital de vie en se conformant aux normes et aux structures qui ont prévalu jusqu’ici, les primitifs du futur sont ceux qui rompent avec les normes et les structures établies pour élaborer l’avenir, non plus comme un supplément, mais comme une possible métamorphose. ». 

Acteur et maître de son destin, le primitif du futur, nous rappelle René Berger, « est celui qui est en mesure de s’affranchir du passé sans le nier et qui, en remettant en question les modèles de penser et d’agir qui ont prévalus, peut identifier les mutations et déceler les métamorphoses en cours », comme celle du printemps du féminisme par exemple. Il s’agit de nous affirmer au présent comme des êtres vivants et par une vision nouvelle,
transcender le présent pour ériger l’avenir, qui ne serait plus un simple prolongement du passé.

Selon Lao Tseu « ce que la chenille appelle la fin du monde, le reste du monde l’appelle un papillon ». Avec beaucoup de bonne volonté, soyons des primitifs du futur, faisons en sorte de métamorphoser notre présent, pour contribuer à l’origine d’un futur différent mais en mieux.

On ne peut pas faire confiance à l’avenir, l’avenir est à construire et je rêve du moment où nous n’aurions plus besoin de célébrer le 8 mars, plus besoin d’une journée spécifiquement dédiée aux droits des femmes, où les discriminations à leur encontre seraient dépassées et faisant partie du passé.

S. Ghernaouti-Hélie, 8 mars 2011

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Remerciements et références

Je tiens à exprimer ma reconnaissance et à adresser mes plus sincères remerciements
aux femmes et aux hommes engagés pour défendre la dignité humaine et le droit des
femmes.

Ce texte est largement inspiré des réflexions, travaux et ouvrages de notamment :
Simone de Beauvoir, Benoite Groulte, Elsa Triolet, Sandrine Treinier, Françoise
Gaspard, Elisabeth Badinter, Laure Adler… Il est également nourri de nombreuses
discussions et expériences de femmes et d’hommes croisés sur le chemin de la vie

 

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Article de Solange Ghernaouti

L’Hebdo, mars 2011

The Atlantic titrait son dossier spécial été 2010 « The end of men ». Ce numéro portait sur la manière dont les femmes ont mieux traversé la dernière crise économique et a mis en évidence, que les entreprises les plus en difficultés sont celles qui comptaient le moins de femmes dirigeantes, que l’économie post-industrielle était plus adaptée aux femmes et que cela sonnait la fin de l’âge de la testostérone. Serait-ce aussi la fin du monde ? Non car l’avenir de l’homme, c’est la femme écrivait Aragon en 1963, en écho à la célèbre phrase de Marx l’homme est l’avenir de l’homme.

En revanche, Le Monde, dans son édition du 19 août 2010, publiait qu’« Etre une femme est un handicap pour les salaires. Même quand elles n’interrompent pas leur carrière, les femmes gagnent 17% de moins que les hommes ; les hommes assument seulement 20 % du noyau dur des tâches domestiques ; la naissance d’un enfant fragilise la carrière des femmes ; les femmes ont en moyenne un niveau d’éducation plus élevé que les hommes et forment les gros bataillons du temps partiel et de la précarité … ». Ces données reflètent une véritable construction sociale des différences, une répartition inégale des rôles, la difficile émancipation des femmes et encore un certain refus de la liberté et de l’égalité entre tous les individus, indépendamment de leur sexe. Il semble que la réalité des femmes qui travaillent relèvent toujours de la course d’obstacles et que le modèle qui prévaut encore chez beaucoup, est que le destin domestique de l’épouse est donné à voir comme l’essence naturelle de la femme.

Dans les conditions actuelles de travail que les femmes cumulent la plus part du temps avec les taches domestiques, il ne leur apporte pas les mêmes gratifications qu’aux hommes. En outre, elles peuvent être amenées à développer un sentiment de culpabilité au regard du carcan des traditions. Aujourd’hui dans le monde du travail, ce sentiment peut être parfois dépassé lorsque la femme ne s’affirme pas en tant que telle, mais se confond dans l’ordre normalisateur, qui ne manque pas de récompenser celle qui s’y plie.

Comment expliquer que la majorité des femmes adhère implicitement à cette différentiation inégalitaire résultant d’un rapport de force construit par la société, sinon que par le fait que lorsque deux castes s’opposent,  nous rappelle Simone de Beauvoir, il se trouve toujours dans la plus défavorisée des individus qui par intérêt personnel s’allient avec les privilégiés.

La femme est l’égal de l’homme, mais elle l’est dans la différence. Lorsque l’on parle de différence c’est souvent une manière politiquement correcte de parler d’infériorité. Cette « personne est différente » équivaut souvent au fait qu’elle est particulière au sens négatif et dévalorisant. Il semble que cette différence tente à cantonner la femme dans des tâches de maternage des bébés, des malades, des vieillards, de la maison, etc., une espèce de service social pas cher. Sous couvert de principes relevant du domaine affectif (amour des parents, du conjoint, des enfants, …) les femmes sont souvent exploitées au bénéfice de la société qui leurs extorque un travail non rétribué. Elles sont victimes d’une discrimination sur le marché du travail : on leur refuse encore des chances et des salaires égaux à ceux des hommes. Force est de constater que la majorité des leaders est toujours des hommes, comme si « le pouvoir était au bout du phallus ».

Chaque 8 mars, journée internationale des droits de la femme, questionne sur la pérennité des dominations parfois symboliques et inconscientes, sur celles des stéréotypes, de l’exploitation économique des femmes pour contribuer à comprendre comment se construisent ces inégalités, plus ou moins revendiquées ou intériorisées. Au delà d’une émancipation superficielle, il s’agit encore aujourd’hui de participer à une « décolonisation » de l’intérieur pour inventer un avenir plus équitable pour tous et toutes, en considérant l’égalité des chances comme un droit, pour que l’égalité des droits devienne une réalité.

Le philosophe Charles Fourier écrivait en 1808 « les progrès sociaux et changements de périodes s’opèrent en raison du progrès des femmes vers la liberté ; et les décadences d’ordre social s’opèrent en raison du décroissement de la liberté des femmes ». Aujourd’hui quelle interprétation en faisons-nous?